Je me regarde une dernière fois dans le miroir. Qu’est-ce que je suis beau gosse, c’est pas possible. Sérieusement ! Et tout le monde le dit, d’ailleurs, alors ce n’est pas seulement moi qui se gonfle l’égo et qui le pense. Je ne fais que répéter ce que les gens disent sur mon passage. Bref, ce soir, je sors avec des potes. J’ai envie de faire la fête, de boire un coup et peut-être même plus. D’ailleurs, je viens de larguer la dernière fille que je m’étais trouvé. Elle m’a donné un peu de fil à retordre au départ, juste un peu, puis elle a fini par coucher avec moi et faire comme toutes les autres, croire que nous allions devenir un petit couple mignon après ça et que j’allais la revoir. Eh bien non, quand j’atteins mon but, le jeu est terminé et je recommence une nouvelle partie. Mon but est tout simplement de séduire n’importe qu’elle fille pour qu’elle termine dans mon lit. Je peux me transformer en qui je veux pour y arriver. Suite à ça, j’ai gagné, et je peux recommencer. Parfois, cela prend quelques jours à peine, d’autres fois, des semaines. Je me retiens de faire quoi que ce soit avec quelqu’un d’autre durant cette période, ça met un peu de piquant dans mon jeu. Et ce soir, je compte bien trouver ma nouvelle partenaire.

Pour se faire, nous allons sortir dans un club. J’ai besoin d’une proie facile cette fois, et un endroit comme un bar ou un club regorge de minettes du genre. Peut-être que je vais tomber sur quelque chose de plus excitant, on ne sais jamais. J’enfile mon manteau, mes chaussures et mes gants en cuire et sort à l’extérieur, prenant soin d’allumer ma voiture de loin pour qu’elle soit réchauffée. Ah, ouais, je sens que la soirée va être fructueuse. En chemin, je passe chercher l’un des mecs qui doivent m’accompagner. À vrai dire, il m’énerve, mais il n’a pas le droit de consommer de l’alcool et je me sers de lui comme chauffeur. Même s’il me tape sur le système, je sais qu’il est l’un des meilleurs conducteurs que je connaisse. En échange, il peut conduire ma voiture de luxe et se faire inviter à toutes les soirées où je vais. Ça me permet de boire autant que je veux sans me soucier d’avoir à trouver un moyen de rentrer chez moi.

Nous arrivons finalement au club et je fais signe au porter, qui nous salue. Dans le coin, tout le monde me connaît. Je passe devant la ligne et je repère déjà quelques demoiselles en tenues bien courtes, montées sur leurs échasses, qui me regardent en gloussant. Je leur fais un signe de la main en souriant. On ne sais jamais, l’une d’entre elles sera peut-être la grand chanceuse. Dans le club, il fait très chaud et la fête bat son plein. Je laisse mon manteau et cherche le reste de mes potes, traversant la salle en ayant l’air cool. Tout le monde se pousse lorsque je passe, et je marche la tête haute. I own the place, you know. Je m’installe parmi eux en souriant.

« Sup ! Vous êtes arrivés en avance ! »

« Ouais man, comme ça, on a une vue sur tout le monde. C’est plus facile de voir les jolies filles quand elles entrent ! Du genre, les deux là-bas, elles sont vachement bien roulées mais l’un d’elle est accompagnée par un type, alors à éviter. »

« Effectivement, j’aime m’amuser, mais pas de cette façon là. Ça ne fais pas partis des règles du jeu ! Alors, vous en êtes à combien depuis le reset ? »

« Hum moi sept, et Jin Sang, cinq. Et l'autre ne participe pas. Et toi, combien ? »

« Moi ? Quatorze. »

Les mecs me regardent en tirant des gueules de poisson hors de l’eau. Je fais signe à une serveuse de se pointer à notre table et commande des boissons, le sourire aux lèvres. Ouais, ils jouent le jeu avec moi. C’est comme une espèce de compétition mais tout le monde sait que je gagne tout le temps. Après tout, c’est moi le plus attirant d’entre nous tous, et puis, ils n’ont pas comprit qu’ils doivent parfois jouer des personnages pour ajouter certaines filles à leur tableau de chasse. Les filles sont complexes et toutes différentes, et ce n’est pas parce qu’une aime ta personnalité que toutes les autres vont l’aimer. La serveuse revient et dépose nos verres, et je m’empresse de le boire cul-sec et d’en demander un autre. C’est revigorant, j’avais besoin d’un petit remontant pour la soirée qui se prépare. Certaines filles passent et nous regardent, et je leur fais des sourires charmeur. Pourtant, je ne sens rien de particulier en les voyant. Sois elles ne sont pas mon genre, sois elles ne sont tout simplement pas faites pour la partie.

Après un petit moment et plusieurs verres, je commence à sentir que l’alcool fait effet. Nous décidons de nous lever, lançant des regards pour faire comprendre à tout le monde de ne pas piquer notre banquette, et nous nous dispersons dans la foule. Je me met à danser avec une fille canon, puis une autre se rajoute. Il commence à faire chaud alors qu’elles se mettent à se frotter sur moi. Mais elles ne sont pas les bonnes, je le sais. Mon regard se pose alors sur une fille, grande et mince, qui se trémousse un peu avec un verre au fond de la salle. Je plisse les yeux. Elle a quelque chose qui m’attire. Sans dire un mot de plus, je quitte les filles, que j’entends s'esclaffer derrière moi, et me fraye un chemin jusqu’à la fille inconnue. Je l’observe tout en avançant vers elle et détermine qu’elle doit être pas mal plus timide que les filles qui se frottaient sur moi. Une approche trop directe risque de ne pas fonctionner.

J’arrive finalement près d’elle, et feint d’être essoufflé. Je vois qu’elle me regarde, mais je ne porte pas attention. Je passe une main dans mes cheveux et m’accote au bar non loin. Je fais signe au barman et lui demande un verre d’eau. Du coin de l’oeil, je la vois déposer son verre, alors qu’elle est dos à moi. Je lance un regard à l’un de mes potes non loin, et il comprend tout de suite. Il vient tourner autour et au dernier moment, feint de se coincer un pied et fait tomber le verre de la demoiselle par terre, qui éclate en morceau sans mouiller personne. Le mec s’en retourne d’où il vient, et je contourne la fille pour arriver près d’elle, sans la toucher, en ayant l’air de ne pas vouloir la déranger et d’avoir un peu moins confiance en moi.

« Excuse-moi… Un type vient de faire tomber ton verre par terre et j’ai vu que tu allais te mettre un pied dedans, tu pourrais te couper. Je vais les ramasser pour éviter ça, attends. »

Je me penche et ramasse les plus gros morceaux, les posant dans ma main. Je fais exprès d’en poser un dans la paume de ma main de façon un peu plus raide, juste assez pour me faire une minuscule coupure qui va pourtant se mettre à pisser le sang. Ouais, je suis prêt à jouer la comédie. Je suis peut-être un peu fêlé, mais c’est ce que j’aime de ma vie. Le sang commence à ruisseler, et je fronce les sourcils comme si j’avais mal.

« Tu n’aurais pas un mouchoir par hasard ? Je suis tellement maladroit, désolé pour ça...»

Je suis seul ce soir. Je n'ai pas beaucoup d'amis avec qui sortir et m'amuser. En fait il y avant tout Young Su et les autres sont des connaissances à l'école en fait. De toute façon, je ne peux pas faire ce que je prévois en compagnie d'autres personnes. Bah avec Young Su ça va. Je ne sais pas pourquoi ça ne le dérange pas, mais c'est le cas. Sauf que c'est pas tellement son truc et j'aime aussi jouer en solo à ce genre de jeux. En fait, personne n'est au courant vraiment que je fais ça. Ce n'est pas tellement moi de me tenir en bar ou dans les clubs. Et pourtant, c'est bien là que je suis ce soir. Tout seul. J'ai mis plusieurs heures à me préparer. Maman n'a pas posé de questions. Elle n'a rien dit non plus sur l'état odorant de la salle de bain après mon passage, même si elle embaumait mille sortes de crème pour le corps. J'ai enfilé ma plus belle robe. Enfin, ma plus belle, c'est relatif. Je ne mettrais pas celle-là pour n'importe quelle occasion, mais je pense que pour sortir, c'est celle que j'ai de mieux. Belle perruque de fausse blonde aux cheveux bouclés et le visage camouflé derrière le maquillage, je suis prêt à partir. Maman me sourit alors que je traverse le seuil de la porte et me dit de ne pas faire des bêtises ce coup-ci. J'ai déjà eu mon lot d'émotions fortes pour les cent prochaines années, alors elle n'a pas à s'inquiéter, même si je comprends un peu pourquoi. C'est normal, j'ai failli aller en prison avec mon meilleur ami l'autre fois que je suis sorti. Disons que je suis resté cloîtré chez moi un bon petit moment avant ce soir. Pas parce que j'étais puni, mais plutôt parce que partir courir la galipette ne m'intéressait pas tellement en fait. Maman ne me punit jamais. Mon père l'aurait sûrement fait, mais c'est qu'il n'est pas au courant. Pour plusieurs raisons. Maman m'a dit de ne rien dire alors c'est ce que j'ai fait.

Quand j'arrive, la musique joue déjà bien fort et on l'entend bien de dehors dans la file d'attente. Oui oui je suis devant un club. Je sais que je n'ai pas l'âge, mais ça va je réussis toujours à entrer, j'ai une fausse carte. Je ne vous dirai pas comment je l'ai obtenue, mais le fait est que c'est très utile. Surtout que sur mes vraies cartes je suis un petit brun maigrichon. Bah la jolie blonde qui vient de passer entre les portiers. S'ils savaient qu'en fait je suis un garçon sous l'âge l'égal... Je me ferais sûrement massacré. Merci mon visage féminin, tu me permets de faire bien des choses à l'insu des autres. Et c'est plus confortable aussi. C'est bizarre, mais je me sens mieux en bas collant qu'en pantalon. Si les autres savaient, ils riraient sûrement de moi. Mais justement, comme ils ne savent pas, ils ne peuvent pas rire de moi.

Une fois à l'intérieur, je me faufile jusque dans un coin de la salle avec un verre. Un petit punch alcoolisé pour moi. Je ne dois pas boire beaucoup, je ne tiens pas bien et avec les talons, c'est tout sauf évident de marcher droit sobre, alors éméché c'est bien pire et ma couverture tomberait assez rapidement. C'est illégal ce que je fais et je n'ai pas du tout envie de retourner en prison, surtout que je me suis évité tous les pépins de cellules contrairement à Young Su et je ne doute pas qu'en étant à sa place, j'aurais vécu la même. Je me sens mal de penser comme ça, mais je suis soulagé qu'il y ait été et moi pas. J'ai de la peine pour lui et tout ça, mais je ne peux pas m'en empêcher. Je suppose que ce serait le réflexe de tout être humain? En même temps... ça serait possible qu'il ne s'agisse que d'un cas exceptionnel chez moi. J'ai toujours été... détraqué. Tout le monde le dit et le sait. C'est pour ça que je préfère mon identité actuelle. Nam Eun Soo, une belle femme de vingt ans. Je ne me vieillis pas trop pour que ce soit crédible. Le maquillage fait des miracles, mais pas à ce point. De plus, j'ai remarqué que les hommes préfèrent les jeunes femmes.

Là maintenant, j'attends de me faire aborder. C'est ça le jeu en fait. Je me fais belle pour attirer l'attention des garçons dans les clubs. Je ne les revois jamais après, parce que je leur donne toujours un faux numéro, toujours le même. Juste... le temps d'une soirée, je veux me sentir un peu apprécié. C'est malsain et ces gens, s'ils savaient ce que je suis en fait, me détesteraient. Toutefois, ça me fait quand même du bien. Ça ne me dérange pas que les gens aiment ma fausse identité construite de pratiquement toute pièce. Il n'en reste pas moins que c'est encore moi sous les couches de maquillages et la perruque. Il m'arrive de penser que si j'avais été une fille, ma vie aurait été plus facile. Mais ça aurait été tout aussi bizarre.

Je suis là depuis quelques minutes quand un joli garçon entre dans mon champ de vision. Plus que joli en fait. Je détourne le regard. Il ne faut pas montrer l'intérêt, jamais. Je pose mon verre. Je n'ai plus soif. J'attends toujours que mon verre soit presque vide pour le poser. Je ne veux pas me retrouver avec quelque chose de louche à l'intérieur. On ne laisse jamais son verre sans surveillance si on compte le reprendre. C'est la règle numéro un. Je me détourne du comptoir pour balayer la salle du regard. Un drôle de type trébuche près de moi. Je le regarde un instant, mais tout semble en contrôle, il n'y a pas de casse, tant mieux. Je n'aime pas aborder les gens. Je m'apprête à continuer mon tour de salle du regard. Le garçon de tout à l'heure – pas celui qui a trébuché, le joli plus que joli – en tout près de moi. Est-ce qu'il est venu me parler? Je sens les battements de mon cœur accélérer. Il est encore mieux de près. Je regarde par terre. Oh effectivement mon verre est en miettes. Je sens un peu de déception m'envahir mais ce n'est pas bien grave. Il ne faut jamais s'attendre à ce que ces gars-là s'intéressent à vous. J'incline muettement la tête pour le remercier, incapable de prononcer un mot en fait. Je n'ai jamais conversé avec un garçon aussi... Enfin à part Mike. Mais Mike ce n'est pas pareil, si? Parfois je regrette qu'il soit mon grand frère par adoption. Je déteste en fait.

« Ah euh... O-oui. Il est euh... quelque part dans mon sac à main. »

Je fouille dans mon sac à main en quête de mon mouchoir. J'ai toujours un mouchoir en tissu sur moi. C'est maman qui me les fait. Elle prend toujours le temps d'y broder mon nom et le numéro de téléphone de la maison au cas où je perdrais mes choses. Maman me protège parfois un peu trop en fait.

« Voilà... » fais-je embarrassé. Pourquoi je bégaie? Je regarde ses mains et je me dis que je devrais peut-être m'en occuper, c'est ma faute après-tout s'il s'est coupé. Je prends un a un les morceaux de verre brisés pour les mettre sur le comptoir. J'essaie d'éponger un peu la plaie, mais je n'ai pas de désinfectant, c'est dangereux. En désespoir de cause, je finis par me contenter de nouer en un bandage mon mouchoir autour de sa main. Comme ça, au moins, ce sera protégé un peu. Quand j'ai terminé, je m'écarte un peu brusquement.

« Vous seriez mieux d'aller désinfecter mais pour le moment, ça devrait au moins protéger la plaie. Merci d'avoir... »

Je ne peux pas terminer ma phrase parce qu'en reculant, j'ai enfoncé mon talon aiguille pas dans le plancher, mais dans un morceau de vitre. Résultat inévitable, je perds l'équilibre tout en glissant à cause du verre dans le liquide. Je laisse échapper un léger cri de sursaut. Je vois en quelques secondes mon monde s'autodétruire. C'est Hiroshima version coréenne dans un club. Boum. Adieu la classe Eun Soo, il va falloir rentrer à la maison sans rencontre après cette humiliation cuisante. J'ai envie de disparaître six pieds sous terre dans mon cercueil.

Touché. Ma tactique d’approche fonctionne, à ce que je vois. Tout en me penchant pour ramasser quelques morceaux encore parmi ceux qui traînent, je fais de mon mieux pour réprimer un sourire satisfait. De toute façon, je sais qu’elle m’a vu. Le trois quart des filles, en me voyant, ne peuvent pas s’empêcher de me regarder. Avec la musique, qui est assez assourdissante, j’arrive à comprendre ce qu’elle me dit en lisant sur ses lèvres. Elle en a des belles, d’ailleurs, très pulpeuses. J’ai remarqué ça en la zieutant de loin. C’est quelque chose que j’aime chez les femmes, du moins celles qui savent s’en servir, si vous voyez ce que je veux dire. C’est toujours une surprise, par contre, de ne pas exactement entendre la voix de la personne à qui vous parlez. Ça m’est arrivé de trouver des jolies filles et d’arriver à coucher avec elles dans la salle de bain même du bâtiment, car certaines sont très faciles, et réaliser en pleine action qu’elles ont des voix dégueulasses. Mais bon, avec ce genre de jeu, des surprises, il y en a. Oh d’ailleurs, je tiens à mentionner que je me protège toujours et que dès que je couche avec une fille, je vais passer des examens le lendemain. À ma clinique, les docteurs me connaissent bien. Plusieurs me recommandent sans cesse d’avoir le moins de rapports possibles avec des inconnues, mais je m’en fiche. Je suis au dessus de ça, je prends des précautions. Et en plus, les sacs à maladies sont faciles à repérer.

Bref, la fille me tend son mouchoir. Je le regarde discrètement et c’est encore plus clair dans ma tête ; je ne baiserai pas ce soir. En fait, je suis certain quelle est vierge, même. Elle a un mouchoir impeccable en tissu avec son nom et son numéro de téléphone écrit dessus. Ça, c’est une fille à maman, et vu son attitude, elle doit effectivement être très timide. Elle sort seule, aussi, alors je me doute quelle manque peut-être d’amis pour venir avec elle. Intéressant, c’est un défi de plus. Ça risque de me prendre plus longtemps que prévu, mais ça attise la flamme. Elle va finir par flancher et faire comme toutes les autres, c’est certain. Je lui souris alors qu’elle éponge la minuscule plaie qui saigne pourtant beaucoup. Je remarque quelle a des grandes mains pour une fille… Eh bien, tant mieux, hehe. Elle enroule le mouchoir autour de ma main et le noue pour qu’il reste en place. Elle se pousse rapidement, et je hausse un sourcil. Peut-être que je l’intimide, au fond. J’avoue par contre que quand un type aussi populaire vient aborder une fille, elle peut se poser des questions ou alors se dire qu’il n’en a pas grand chose à faire d’elle. J’ai peut-être eu une approche un peu trop douce qui ne laissait pas du tout montrer mon intérêt.

Alors que je m’apprête à l’inviter, ou quelque chose du genre, je la vois, comme au ralentit, tomber à la renverse. Je sursaute un peu aussi lorsqu’elle lâche un cri, et je comprends quelle ne va pas réussir à se remettre sur pied. Pas avant d’être tombée sur le derrière. Je m’élance vers elle et réussit à la rattraper, non pas sans tomber moi-même par terre. Bah, même si tout ça n’était pas prévu, ça convient à ma couverture. Elle tombe sur moi, mais beaucoup plus doucement que si elle s’était écrasée sur le sol. Elle a l’air terriblement gênée de la situation et je lui souris en passant une main dans mes cheveux, comme si j’étais un peu embarrassé aussi. Je vois les gens autour qui nous regardent, mais ça ne me fais pas grand chose. Je me relève en l’aidant, prenant soin de ne pas la tacher avec ma blessure qui saigne encore. Le sang passe déjà au travers du tissu. Je ne me suis pas manqué, finalement. L’alcool doit avoir aidé à faire diminuer la douleur sur le coup. Je la retiens par le bras, mais pas fermement pour qu’elle ne se sente pas forcée. Je lance un regard à mes amis en leur faisant un sourire, et ils comprennent que la soirée est terminée pour moi.

Je la raccompagne jusqu’à la sortie pour récupérer son manteau et tout ça. Rapidement, nous sommes à l’extérieur et je prends une grande inspiration dès que nous nous trouvons dehors, comme si j’étouffais à l’intérieur, ce qui n’était pas du tout le cas en fait. Je la regarde et me met à rire un peu, avant de me reprendre en me raclant la gorge. « Pardonne-moi, je ne riais pas de toi. Je crois que je te porte malchance ! Ah, et merci pour le mouchoir. Je suis désolé de t’avoir fais sortir si tu voulais rester mais tu avais l’air embarrassée alors je me suis dis que tu préférerais peut-être te faire oublier quelques instants… » Je marche un peu et repère un banc ou je m’installe. Je vois qu’elle n’ose pas venir avec moi, et je ne lui demande pas de venir. Ce serais un peu du rentre-dedans pour une fille comme elle. « En fait…» Je prends une petite pause pour provoquer une certaine attente. Je crois qu’elle va préférer un type un peu maladroit que celui qui se croit trop sur de lui. Oh, je le suis, mais elle n’a pas à le savoir. Je détourne un peu les yeux en souriant stupidement. « En fait, je voulais venir te parler. Je t’observais depuis un moment, mais… Je ne savais pas trop comment, je ne suis pas doué pour ça… Alors quand le type a renversé ton verre, je me suis dis que ça me donnerais une excuse… Ah..haha… » Je fais de mon mieux pour avoir l’air très gêné. « Mes amis croient que c’est facile pour moi, mais ça ne l’est pas du tout… Je veux dire, tu avais l’air cool, alors je me disais et si je vais lui demander de danser et qu’elle me dit non avec des gros yeux, je vais avoir l’air imbécile ! »

Voyant qu’elle ne s’installe toujours pas avec moi, je me relève mais garde une distance plus que respectable. « Je suis Jung Ho, en passant. Remarque, peut-être que ça ne t’intéresse pas, mais… mais je tente ma chance quand même! Qui ne tente rien n’a rien, comme on dis… Et toi, c’est Eun Soo ?» Je met les mains devant moi avec l’air un peu consterné. « Je n’ai espionné personne, hein ! Juste… il est écrit sur ma main. Euh, je veux dire, sur le mouchoir sur ma main… hahaha. Hm si ça te dis, on pourrais peut-être aller dans un petit marché pas loin et se faire des nouilles… C’est mon truc les trucs pas trop fancy, haha ! Hm, oui, je pense que je parle trop.. bref...» Je met mes mains dans mes poches et rentre un peu la tête dans mon collet en regardant mes pieds, comme si j’étais gêné. Espérons que mon rentre-dedans discret va mieux fonctionner cette fois !

Alors que je vois mon monde s'écrouler, moi qui ai travaillé si fort sur ce personnage pour qu'on ne rit plus jamais de moi... c'est comme si j'avais vu ma vie défiler devant mes yeux avant qu'elle revienne en accéléré à maintenant. Parce qu'au final, je ne me suis jamais écrasé au sol. Il me faut quelques secondes pour le réaliser, mais maintenant que c'est le cas, je suis très gêné. Je suis bel et bien tombé. Mais plutôt que d'être aplati comme une crêpe sur le sol, je suis allongé sur le garçon. Je sens la panique m'envahir. Je pense à ce qui se trouve entre mes jambes, persuadé qu'il doit sentir cette partie de mon anatomie contre lui. Young Su... Où es-tu, j'aurais besoin de toi dans l'immédiat. Je viens de me faire découvrir. J'ai peur de ce qu'il va faire. Est-ce qu'il va dévoiler mon identité à tout le monde? J'ai envie de crevé sur place. Je n'avais jamais imaginé que mon petit jeu se terminerait ainsi parce que j'aurais été trop maladroit pour rester en équilibre dans mes chaussures. Je le sens tout de suite à son sourire. Il est gêné parce qu'il m'a pris pour une fille. Il a honte d'avoir engagé la conversation avec moi, c'est ça... Je sens mon cœur se serrer et j'étouffe de l'intérieur. Je suis tellement sous le choc que je n'arrive même pas à me relever. Je suis paralysé, comme une chenille dans sa chrysalide. Sauf que dans mon cas, ce n'est pas le joli papillon qui va en sortir, mais un monstre dégoûtant aux yeux de l'humanité entière. Je le laisse m'aider à me relever, complètement sonné. C'est comme si mon esprit flottait à côté de mon corps, en témoin de la scène horrible qui se déroule. Est-ce qu'il va faire signe au DJ d'arrêter la musique pour me pointer du doigt et hurler à tout le monde que je suis un homme? Encore une fois, je ressens une honte immense face à ce que je suis et ce que je fais. Tout le monde regarde, c'est le moment idéal.

Sans savoir ni pourquoi ni comment, je ne me retrouve pas humilié devant tout le monde, mais plutôt dehors. Je reste perplexe et sceptique. Est-ce qu'il n'aurait rien remarqué? Non c'est impossible. Il m'a attiré dehors pour me faire du chantage plutôt. C'est encore pire que je croyais. Je crois qu'en rentrant je vais m'enfermer dans ma chambre pour ne plus jamais en sortir sauf pour prendre mes repas et y retourner. Je voudrais tant vivre normalement... on dirait que c'est impossible pour moi. Ah il rit! Il a tout compris et me trouve ridicule, dégoûtant. Je me recroqueville encore plus sur moi-même, mal à l'aise. Je ne fais pas ça parce que je trouve ça drôle... C'est tout simplement confortable. J'aimerais lui dire cela, mais les mots restent coincés dans ma gorge. Comme chaque fois qu'on se moque de moi en fait.
Attends. Il ne rit pas de moi? Est-ce qu'il ne s'est vraiment rendu compte de rien? On dirait que oui. Je ressens une énorme vague de soulagement m'envahir. J'ai eu bien peur pour rien finalement. Je secoue la tête. Je n'avais pas envie de rester là, c'est bien qu'on soit sorti. Je suis juste encore trop soufflé pour le formuler moi-même. Je le regarde aller s'asseoir sur ce banc. Comme il ne m'invite pas à l'y rejoindre, je reste où je suis. Je ne comprends rien à cette rencontre. C'était peut-être celle qui m'attendait ce soir. Ce que ses paroles me confirment au final. Je ne suis pas trop sûr de le croire. Joli comme il est, n'importe quelle fille doit lui tomber dans les bras en un claquement de doigts. De là à savoir s'il réussit à les garder, c'est une autre histoire.

Jung Ho. Tiens, son nom me dit quelque chose. À bien y repenser, son visage aussi. Je n'arrive toutefois pas à me rappeler où je l'ai vu, mais je suis certain que ce n'est pas la première fois que je croise sa route. Du moins je crois. Je suis un peu perplexe quand je réalise qu'il sait c'est quoi mon nom. Je ne lui ai pas dit que je sache... Oh! Mon mouchoir... Zut, il a mon numéro de téléphone aussi du coup... Je ne laisse jamais mon vrai numéro de téléphone aux garçons que je rencontre. Une chance que mon message de boîte vocale est un de ceux pré-enregistré. Comme ça s'il appelle, il n'entendra pas ma voix d'homme. Dans quels beaux draps je me suis mis moi. Je devrais dire à maman de ne plus broder mes mouchoirs...
Des nouilles? Maintenant que j'y pense, j'ai effectivement un peu faim. Je pourrais essayé d'en profiter pour récupérer mon mouchoir pour qu'il ne garde pas mon numéro de téléphone avec lui. En espérant qu'il ne l'a pas déjà mémorisé. J'ai déjà entendu parler d'un truc. Ça s'appelle la mémoire photographique. Il suffit de voir quelque chose une seule fois pour s'en souvenir à tout jamais. Mais il n'a sûrement pas ce don. Non?

« D'accord, j'ai un peu faim à dire vrai. Ils ont sûrement aussi des pansements. Je crois que mon mouchoir n'est pas assez épais et absorbant en fait, » dis-je en désignant la trace de sang toujours croissante. Une fois que je l'aurai récupéré, mon mouchoir, je vais le mettre à la corbeille. De toute façon, c'est certain qu'il est complètement fichu.

Nous marchons donc à bonne distance jusqu'à la première supérette qui croise notre route avant d'y entrer. Je le laisse s'occuper des nouilles pendant que je cherche un pansement pour sa main. Opération récupération du mouchoir en cours. Puis bon. Au final, j'ai trouvé l'attention que je cherchais pour la soirée. Je ne trouve pas grand chose, mais ils ont de la gaze et du désinfectant en sachet. Ça devrait faire l'affaire le temps qu'il rentre chez lui. Quand j'ai tout trouvé, il est déjà devant la fenêtre avec les nouilles qui s'imbibent d'eau. Ça sent bon. « Je n'ai pas trouvé grand chose. Je peux avoir votre main? Euh... Juste pour désinfecter... » Je rougis en réalisant le double sens de mes paroles. Il me tend néanmoins sa main et je dénoue mon mouchoir que je mets de côté. Ça saigne beaucoup pour une si petite plaie. À l'aide de pinces jetables et de ouate, je nettoie du mieux que je peux avant d'y mettre la gaze et de la fixer à sa mère avec du papier collant pour les plaies. Ce n'est pas très joli, mais je ne suis pas infirmier. « Voilà ça devrait tenir mieux que mon mouchoir. Je vous laisse ce qui reste pour plus tard. » Je pousse le restant du matériel de son côté avant de me tourner vers mon bol de nouilles. Je casse mes baguettes et entame mon repas, encore gêné. Au moins, j'ai récupéré mon mouchoir.

Gagné, elle embarque dans mon jeu. Je n’ai pas vraiment faim et, sérieusement, c’est une sortie vraiment nulle. Avec tout le pognon que je me fais, je peux inviter les filles à sortir dans des restaurants chics, mais elle n’a pas l’air d’être de ce type. Je fais un signe de la tête en souriant un peu bêtement. Le fait qu’elle n’aie pas l’air de me reconnaître va peut-être jouer en ma faveur ce coup-ci. Ça me froisse un peu qu’elle ne sache pas qui je suis, avec la gueule que j’ai, mais je ne dis rien. Mieux vaut jouer la carte du type un peu maladroit et modeste. Nous commençons à marcher. Ce n’est pas bien loin, et je ne veux pas l’effrayer avec ma bagnole dernier cris. Je garde les mains dans mes poches, tout en essayant de serrer ma blessure pour qu’elle arrête de saigner. Je garde une certaine distance d’avec elle, aussi, pour ne pas entrer dans son espace. Je l’ai déjà fais, mais c’était un accident alors ça ne dérangeais pas.

Je cherche les meilleurs nouilles dans les rangées de la petite épicerie alors qu’elle cherche de quoi panser ma plaie un peu mieux qu’un mouchoir. Je paye le tout, met l’eau et les met à chauffer. Je vais devoir me forcer pour engloutir ça, déjà que je n’aime pas vraiment les nouilles instantanées. Mais je dois faire des efforts si je veux me taper le plus de jolies filles possible. Et puis, c’est long, c’est si compliqué que ça choisir un paquet de pansements et passer à la caisse ?? Je ne dis rien et je l’attends, assis près de la fenêtre, en lui faisant un sourire alors qu’elle revient. C’était pas trop tôt. Je ne suis pas la personne qui a le plus de patience pour des petits trucs du genre, même si je peux courir après une fille durant des semaines. Je lui tends la main en la dévisageant subtilement. Elle a un petit quelque chose de particulier, mais elle est mignonne quand même. Et puis, elle n’arrête pas de parler de façon polie et de rougir pour absolument rien. J’ai comme l’impression qu’elle risque d’être une proie facile en même temps d’être difficile. Réussir à l’avoir va être ardu, mais à ce moment là, elle va me tomber dans les bras sans que j’aie à le demander ou à faire quoi que ce soit. Ses mains sont douces, ce n’est pas désagréable je dois dire. Lorsqu’elle termine, je souris, un peu gêné. « Merci, et désolé de causer des problèmes… Oh, d’ailleurs, hum, tu n’est pas obligée de me parler formellement tu sais… »

Voyant qu’elle commence à manger, je décide de faire la même chose, à contrecoeur. C’est bourré de sel ces trucs-là, et je m’entraîne trop souvent pour me permettre de défaire ma ligne avec ce genre de merdes en bol. Je prends quelques bouchées et je me brûle en même temps tout en lâchant un espèce de grognement et en souriant bêtement. « Haha, j’ai faim mais c’est un peu chaud.. » Ouais, l’empoté imbécile de première, quoi. Je continue de manger, en prenant le temps de souffler un peu sur ma bouffe cette fois, quand j’entends un cri qui me fait sursauter. Je me retourne, une nouille qui pend encore de ma bouche, alors que Eun Soo fait la même chose de son côté. Mon regard croise celui - ou plutôt ceux - d’une bande fille qui me pointent du doigt. Fuck, ma couverture ! Je dois agir avec elle exactement comme j’agis avec l’autre et ça, ça fais chier. Et en plus, bonne chance pour essayer d’être anonyme après tout ça. Je crains que mon statut la fasse déguerpir.. Ou peut-être pas ? Bon, okay, je dois arranger le plan. Je ne dois pas la laisser de côté et je dois être modeste. En même temps, je n’ai pas envie de trouver des ragots sur moi demain comme quoi j’étais avec une fille, mais je n’ai pas le choix.

« Yaah, je te dis que c’est lui, c’est Yang Jung Ho ! » Je souris un peu raide. Bon, elles savent vraiment qui je suis. Quelle bande de connasses, je les regarde et elles font comme si elles étaient invisibles et quelles pouvaient fangirler sur moi sans que personne ne le voit. Elle se pousse du coude un peu jusqu’à ce qu’une des filles vienne vers moi, complètement rouge.

« Excuse-moi oppa… Mais.. Mais mes amies et moi nous sommes complètement fans de toi et nous te trouvons SUPER beau et tu fais du bon travail et puis nous aimerions prendre des photos avec toi s’il te plait et peut-être même avoir un autographe aussi ! » Je cligne des yeux. Damn, elle a même du mal à reprendre son souffle. On se calme petite minette. Eun Soo me regarde, incrédule. Je laisse mon bol de côté et feint un rire un peu gêné en passant une main dans mes cheveux.

« Haha euh, oui, je peux bien prendre une photo, mais ce sera tout… Je suis un peu occupé et ça ne serais pas trop poli pour mon amie. D’ailleurs… » J’enlève mon manteau et fait signe à la demoiselle qui m’accompagne de l’enfiler et de mettre la capuche sur sa tête. Elle ne comprend pas trop, mais elle le fait quand même. Je prends quelques photos, les filles sont heureuses, promettent quelles vont fermer leur gueule et ne pas dire ou elles m’ont vu, puis elles s’en vont en gloussant. Pauvres petites écervelées. Doucement, je mets une main dans le dos d’Eun Soo et la pousse un peu vers la sortie. Mieux vaut partir avant de me faire encore plus repérer. Une fois dehors, je reprends mon manteau et marche en direction de ou se trouve ma voiture. Tant pis, elle se doute bien de quelque chose. Je m’arrête un instant et penche la tête pour demander pardon. « Je suis désolé pour le manteau. Hm...Je crois que tu ne sais pas qui je suis mais bon euh, disons que mon visage est assez connu et je ne voulais pas te causer des problèmes, alors c’était mieux quelles ne te voient pas… Je te demande pardon. » Je continue de marcher et je soupire. Tout compte fait, peut-être que mon statut va pouvoir me servir à quelque chose et atteindre sa sensibilité ! Ah ha ! « J’aime mon travail même si c’est difficile parfois, mais le plus dur, c’est de se faire reconnaître un peu partout… C’est difficile de seulement aller m’acheter un soda sans me faire arrêter quelque part… Ah ! Excuse-moi de te conter mes problèmes. Est-ce que je peux te ramener ? » Putain, non. T’as bu, mon gars. Normalement, je conduis quand même en faisant attention, mais c’est différent. « Oh, non, j’ai bu. Laisse-moi te payer le taxi, alors ? Pour me racheter d’être un peu un empoté… »

Tandis que nous mangions en silence – je ne suis pas tellement doué pour la conversation avec ces gens-là – j'entends un drôlement de couinement. Quand je tourne la tête, j'aperçois une troupe de jeunes filles qui regardent dans notre direction. Elles nous pointent même du doigt. C'est à n'y rien comprendre. Je les regarde un peu éberlué, mais ça confirme alors mes doutes : j'ai bel et bien déjà vu sa tête quelque part, mais je n'arrive vraiment pas à me souvenir où par contre. Au final, après avoir gloussé dans leur coin, l'une d'entre elles s'approchent de nous, complètement rouge. Je pense la tête, un peu perplexe, tout en veillant à ce que ma perruque ne glisse pas. Je pourrais sûrement passer pour une fille avec mes cheveux courts, mais quelle honte pour une fille que de porter une perruque plutôt que d'avoir de sublimes longs cheveux. À sa demande, je regarde Jung Ho, vraiment étonné. Qu'est-ce qu'il fait pour susciter autant d'admiration? Je n'arrive vraiment pas à m'en souvenir. C'est bizarre, normalement je me souviens bien des célébrités. En tout cas, je suis sûr que ce n'est pas une idole. En tout cas, il accède à sa requête d'une photo. Je le regarde encore plus surpris : ce n'est pas le genre de truc à éviter? Comme Mike, mon demi-frère est assez célèbre, je connais un peu le monde du showbiz et je sais que les photos sont la pire arme des fanatiques. Si ça se retrouve à circuler un peu partout, ça serait dangereux. Je ne suis pas trop inquiet pour mon identité : je porte tellement de maquillage que mon visage est assez méconnaissable une fois ma transformation annulée. Malgré tout, je m'écarte quand même un peu pour ne pas être mêlé à tout ça, comme si j'avais quelque chose à risquer. Ma double identité est vraiment utile dans une situation comme celle-là : il n'y a aucune chance qu'on retrouve des traces de cette fille parce qu'elle n'existe pas en réalité. Ils ne réaliseraient pas non plus qu'en fait je suis un homme, non? Mon costume est beaucoup trop bien réussi pour qu'ils y croient.

J'accepte malgré tout son manteau et je l'enfile pour cacher mon identité. Quand les groupies sont parties, il me pousse vers la sortie, sûrement parce que ce super marché n'est plus tellement sécuritaire maintenant que quelqu'un nous a vus. Je comprends tout à fait, même si ce genre de situation est un peu nouveau pour moi parce que je ne l'ai jamais vraiment vécu puisque je ne suis pas particulièrement ami avec des vedettes. Bah il y Mike, mais c'est mon demi-frère alors je le vois quand je veux à la maison. Je lui rends sont manteau dehors, pour qu'il ne meurt pas de froid.

« Ce n'est pas grave, je comprends. »

C'est vrai d'un sens. Pas par ma propre expérience, mais parce que quelqu'un que je connais de très près le vit lui aussi. Je le laisses parler sans rien dire, poli. En fait c'Est que je ne sais pas trop quoi répondre à ce genre de déclaration. Est-ce que je dois y compatir? C'est bizarre, je n'ai pas ce genre de conversation avec les gens normalement. C'Est d'un tout autre niveau comparé à ce que je suis habituée. Par contre, qu'il me propose de me reconduire ou de me payer le taxi me pétrifie un peu : on ne se connaît pas vraiment, je ne comprends pas en quoi ce serait nécessaire. Je secoue négativement avec vigueur.

« Oh non, ce n'est nullement nécessaire. Maman trouverait bizarre que je rentre en voiture, je n'ai pas les moyens de me payer le taxi et elle me reprocherait de laisser quelqu'un payer pour moi. Je peux très bien rentrer en autobus et en métro. »

En voyant sa voiture, je me doute bien qu'il ne manque pas d'argent et qu'il pourrait très facilement dépenser pour le taxi, mais je ne puis accepter. C'est mal, surtout qu'il est mieux d'appeler le premier taxi qu'il trouve pour lui-même. Ou mieux, il devrait plutôt s'appeler un conducteur désigné. C'est un service courant et ça éviterait que quelqu'un ne se fasse la malle avec sa bagnole, ce qui serait très tentant pour bien des gens. Je veux dire, ça vaut beaucoup d'argent non?

« Je n'habite pas très loin d'ici je n'ai que quelques stations de métro à parcourir et deux arrêts d'autobus pour rentrer. Je suis habituée de faire la trajet, je vais souvent dans ce club parce qu'il est assez près de chez moi justement. Alors ce n'est vraiment pas la peine pour vous de m'offrir une voiture pour rentrer. Assurez-vous de rentrer sain et sauf chez vous plutôt, surtout que si des filles vous ont vu, vous n'avez que leur parole pour être certain qu'une troupe d'autres ne viendra pas ici. Je vais prendre mon congé maintenant, si on vous voit avec moi, ce ne serait pas très bien. » Je m'incline poliment et tourne les talons, pour être certain qu'il n'insiste pas. Cela me met très mal à l'aise comme situation. Toutefois dans le noir, mon talon reste pris entre les grilles d'une plaque d'égout ce qui me fait trébucher. Honteux j'essaie de me relever, cela fait deux fois que je me retrouve au sol en quelques minutes devant la même personne. Pourquoi suis-je si troublé? Normalement, je n'ai pas de mal à rester debout sur mes deux jambes. J'essaie de me relever, mais je n'y parviens qu'avec beaucoup de difficultés et mettre le moindre poids sur ma jambe est douloureux. « Flûte! » m'exclamé-je en réalisant que mon talon s'est cassé dans ma chute en plus d'avoir tordue ma cheville.

Oh, mais c’est quelle refuse ma proposition, et pas rien qu’un peu ! Quelle ne veuille pas embarquer dans la bagnole d’un type inconnu, ça va. Je veux dire, mes intentions ne sont pas nécessairement nettes, mais je ne vais jamais violer une fille ou la forcer à faire quoi que ce soit avec moi. Je n’ai pas besoin de faire ça de toute façon, mais je sais que des crétins le fond sans arrêt. Elle doit avoir peur que j’essaie de la droguer ou quelque chose pour la ramener chez moi. Mais alors, pourquoi elle refuse aussi le taxi ? Je n’y comprends rien. C’est vraiment une sainte nitouche alors, cette nana ! Juste à l’entendre parler de sa mère, c’est évident. Mais je ne vais pas baisser les bras ! Je n’ai jamais perdu une seule partie, et je gagne tout le temps d’ailleurs. Je me dis qu’au fond, je devrais peut-être la laisser partir. Je ne suis pas dupe, j’ai déjà mémorisé le numéro de téléphone qui se trouvait sur son mouchoir. Je n’ai pas l’intention de l’appeler, par contre, ça ferais un peu trop excessif et les mecs qui le font se tirent seulement dans le pied. Vous trouvez ça naturel, vous ? ‘’Ah ouais on s’est rencontrés l’autre soir au club et j’ai trouvé ton numéro hahahaha ohohoh’’ Non, la ferme. Je l’ai dis, pour moi, c’est un jeu, et j’adore quand les filles croient que c’est le destin. Oui, je suis un peu louche et j’avoue qu’une fois que je trouve leur adresse, je peux les observer un peu jusqu’à ce que je trouve le bon moment et que je tombe sur elles au ‘’hasard’’. Bref, peut-être que je devrais répéter cette technique infaillible pour celle-là, même si ça coupe un peu court à ma soirée.

J’avoue que je suis un peu bouche-bée. Elle continue de me parler formellement, et puis, c’est quoi ça, je vais prendre mon congé ? Peut-être quelle est la gosse de parents riches, une héritière ou quelque chose, qui a eu une éducation super sévère et serrée. C’est encore plus intéressant, j’aime quand les filles difficiles dans son genre finissent par flancher. Je fais mine de vouloir dire quelque chose et de marcher un peu vers elle, mais je n’ai pas l’intention de la poursuivre. Je vais plutôt jouer le type qui vient de se faire rejeter et qui, n’était pas trop doué dans ce genre de choses, ne sait pas trop quoi faire. Sauf que voilà, j’entends un espèce de craquement bizarre et en quelques secondes, trop vite pour que je puisse faire quoi que ce soit cette fois, elle est à quatre pattes par terre parce quelle vient encore de se péter la gueule. Le temps que je me précipite vers elle, elle est déjà debout et je remarque que son talon de chaussure s’est complètement cassé en deux mais surtout, quelle a l’air d’avoir du mal à se tenir sur cette jambe. « Tu t’es fais mal ?» C’est évident, mais je dois jouer le mec un peu naif. Voilà mon ouverture de la soirée ! Après tout, un vrai gentleman ne peut pas laisser une fille rentrer chez elle toute seule et dans cet état, n’est-ce pas ? Je lui tends mon bras pour éviter d’initier moi-même un contact physique.

« Je comprends que tu ne veuilles peut-être pas l’aide d’un inconnu… Je veux dire, peut-être seulement de moi, je ne sais pas, je suis désolé si je t’ai brusquée mais hum… Tu t’es fais mal alors c’est tout naturel que je te redonne le service que tu m’as rendu tout à l’heure. Je peux prendre le bus et le métro avec toi, si tu veux. Non en fait, j’insiste. Est-ce que c’est correct ? » Ahh, le jeune homme qui essaie d’avoir du courage mais qui y arrive un peu mal ! « Je vais juste t’accompagner le temps du transport en commun pour m’assurer que ton état n’empire pas, et puis… et puis ensuite je vais m’en aller et ne plus jamais te parler si c’est ce que tu préfères. »

Je guide un peu ses pas en la tenant par les épaules pour que ce soit plus facile pour elle de marcher. Il faut d’abord prendre le métro, puis un bus je suppose. Je décide de m’enrouler le visage dans mon foulard épais que je traîne avec mon manteau et d’enfiler des grosses lunettes de vision. En fait, elles n’ont pas de force, mais je trouve que ça fais plus subtile comme couverture que les habituelles lunettes et la casquette enfoncée jusqu’aux yeux. Parce que ouais, ça passe vraiment inaperçu quelqu’un qui porte des gros verres fumées en plein nuit, dans un métro. Et puis je ne suis pas une idole alors même si ma gueule se retrouve un peu partout dans des publicités pour des vêtements et tout ça, on ne me reconnais pas partout. Les gens me regardent souvent à cause de mon physique avantageux mais vous en avez la preuve, cette fille n’a aucune idée de qui je suis. Elle doit se dire que je dois être un minimum connu, mais elle ne sait quand même pas comment ni pourquoi. ll fait chaud dans le métro mais je me force à crever sous mon foulard en passant les barrières et en aidant Eun Soo à faire la même chose. J’ai moi-même un peu de mal à marcher parce qu’en réalité, je suis assez bourré même si j’ai beaucoup de self control. Je sens déjà la fatigue monter, chose qui m’arrive chaque fois que l’alcool commence à redescendre. Certains se mettent à brailler comme des enfants ou ont des boost d’énergie, eh bien moi, je m’endors, c’est la vie.

Le métro est plein à craquer, il fallait s’y attendre. J’essaie de lancer des regards pour que quelqu’un se lève et la laisse s’asseoir mais personne ne le fait évidemment. Lorsqu’une place se libère, je bondis presque dessus et l’aide à s’installer en me plaçant devant elle. Je dois dire que c’est quand même un peu malaisant d’avoir l’entre jambe pratiquement au niveau de son visage et de se faire pousser vers elle sans arrêt. Je me cache dans mon foulard en feignant d’être gêné par la situation. « Je… Je suis désolé, je ne veux pas… Je ne veux pas causer d’inconfort mais comme ça les gens ne te pousseront pas… » Heureusement, à la sortie du métro, je constate que le bus, lui, est vide. C’est pas trop tôt, c’est quoi ce truc que juste les filles doivent s’asseoir, j’ai pas mal aux jambes vous croyez ? Je prends place à côté d’elle et je fais bien attention à ce que ma jambe ne touche pas la sienne. Elle a l’air prude alors ça vaut mieux. Je me sens un peu… étourdis. Je ferme les yeux et des formes dansent sous mes paupières… tout plein. Ah, ouais. Je suis comfortable, là.

(Au cas ou c’est pas clair, ben il est en train de s’endormir. Tourlou !)

Bah si en fait, je me suis fait un peu mal, mais je n'ose pas trop le dire. Je suis gêné. Par deux fois je me suis complètement planté devant lui. Comme une grande imbécile. Je suis plus que dégouté par moi-même et pourtant, malgré toutes mes erreurs, on dirait que lui non. Alors je me demande si ce que je suis réellement ne l'est pas finalement. Je veux dire, je suis assez maladroit. Je gaffe souvent. Et ça met sûrement les gens mal à l'aise souvent. Mais lui, on dirait que non. C'est bizarre parce qu'en même temps d'être si mal à l'aise, je me sens bien avec lui. Il est... il est chaleureux et j'ai un peu moins honte de moi-même en voyant comment il se comporte avec moi. Je n'espérais nullement qu'il m'accompagne dans le transport en commun et je comptais bien partir en tentant de garder un minimum de dignité. Toutefois il me le propose si gentiment. Ce serait mal de refusé, surtout qu'il ne semble pas du tout vouloir en entendre parler. D'accord, j'irai. Enfin, je le laisserai m'accompagner. Au départ, quand il me prend par les épaules pour m'aider à marcher, je reste très raide, j'ai peur qu'en me touchant il ne remarque que mon torse est complètement plat. Contrairement à d'autres, je ne me bourre pas vraiment pour me créer une poitrine. Ça ne marcherait pas très bien, j'aime mieux miser sur un look plus droit et moins développé, mignon plutôt que sexy. Finalement, après quelques mètres, je me détends un peu, voyons qu'il évite cette région de mon corps et m'appuie un peu plus sur lui, question de ne pas tomber une fois de plus. Je sais bien, on dit jamais deux sans trois, mais j'aimerais bien éviter quand même. C'est assez pour ce soir.

Comme toujours à cette heure, le métro est plein. Ça ne m'ennuie pas trop, je suis habitué depuis le temps. J'essaie d'attraper une des ganses pour ne pas tomber. Comme ça je n'ai pas à mettre mon poids sur mes deux pieds. C'est inconfortable à cause des talons hauts, mais c'est tolérable. Puis bon, c'est quand même admirable de savoir que les filles, les vraies, en porte tous les jours. Malgré ma pratique régulière pour ne pas avoir une démarche de cheval, je n'y suis toujours pas assez habitué pour en porter plusieurs jours de suite. Par chance, il m'offre rapidement la chance de pouvoir m'asseoir et j'en suis très reconnaissant parce que ça commençait à devenir insupportable. Je lâche enfin ma lèvre inférieure que je mordais pour masquer ma souffrance. Je dois avouer que je suis assez soulagé d'être libéré de toute cette pression. Je n'ai pas de problème avec le fait qu'il soit si près de moi en fait. On est dans le métro c'est normal et ce n'est pas la première que ça arrive. Toutefois, mon personnage est plutôt gênée alors je laisse le rouge me monter aux joues – je dois tout de même avouer que c'est un peu naturel aussi, pour une raison que je ne m'explique pas. J'espère seulement que personne ne se fera d'idées étranges à cause de la situation.

Quand nous arrivons à ma station je lui fais signe que c'est le moment de sortir et je le guide jusqu'à l'autobus. Il est généralement vide pour une raison que je ne m'explique pas encore. Les gens ne veulent pas habiter dans le même quartier que nous je suppose. Je prends place en premier dans un banc au milieu du bus comme être assis au fond me donne la nausée. Je me tasse bien contre la fenêtre pour lui laisser toute la place. Je n'aime pas trop être collé contre les gens dans les autobus. Je trouve le sentiment... dérangeant. En plus ça donne trop chaud. Je n'ose pas parler. À quelques arrêts du mien, je me tourne pour le lui dire, mais... je réalise alors qu'il a les yeux fermés. On dirait qu'il dort. Est-ce que je dois le réveiller? Sa tête dodeline doucement. Je ne veux pas le réveiller. Mais je ne peux pas quitter le bus pendant qu'il est en train de dormir. Subitement, sa tête se pose contre mon épaule, ce qui me confirme qu'il doit bel et bien dormir. Pas moyen de bouger sans le déranger dans son sommeil et vu toute la considération avec laquelle il m'a traité, c'est impossible que je fasse une chose pareille et aussi horrible que de le réveiller. Je tourne la tête pour regarder par la fenêtre alors que nous dépassons mon arrêt.

Je ne peux pas m'empêcher de me tourner fréquemment vers lui pour le regarder. Comme ça, il est plutôt mignon. Enfin, il l'est depuis le début, mais... je ne sais pas, je préfère comme ça, avec ses petits yeux fermés et ses lèvres légèrement entrouvertes par son souffle. Il a une belle bouche d'ailleurs. Je ne l'avais pas encore remarqué parce que c'est la première fois que j'ose vraiment regarder son visage directement. Une mèche de cheveux est tombée sur son front. Je lève lentement la main et... après une certaine hésitation, je la pousse hors du chemin, dégageant son front comme je me souviens vaguement avoir senti ma mère le faire quand j'étais petit. Par malchance, le chauffeur arrête brusquement ce qui fait que par accident eh bien... ma main s'écrase sur son front. Je la retire rapidement, atrocement gêné. Et évidemment, cela l'a réveillé. « Pardon, je suis vraiment navré... Je n'ai pas fait exprès... » Il est sûrement fâché que je l'aie réveillé. Je me sens particulièrement mal.

Je me réveille en sursautant. La peau de mon front pique un peu, et j’ai l’impression que je viens de manger un coup sur la gueule. Je suis un peu sonné, en plus du bus qui vient de freiner subitement. Je me renfrogne un peu durant quelques secondes en me disant que c’est exactement pour ça que j’évite les transports en commun. Les chauffeurs sont toujours à chier en conduite et oublient que derrière, dès qu’il y a une bosse ou un arrêt, tout le monde se retrouve presque par terre. J’entends une voix à côté de moi et je relève la tête, la vision encore floue. Et je réalise que je me suis endormis, comme un con, à cause de l'alcooll. Et que je me suis endormis sur elle, en plus. Merde, j’espère vraiment que ça ne va pas faire planter ce que j’ai prévu. Je me redresse d’un coup en penchant la tête vers l’avant plusieurs fois pour m’excuser. Elle doit m’avoir donné un coup dans le visage quand le bus s’est subitement arrêté, alors je m’en fiche un peu, mais je me sens un peu crétin de m’être endormis comme ça.

« Je suis vraiment désolé !!! Excuse-moi, normalement, je… Je veux dire, je ne voulais pas euh… entrer dans cette proximité, m’enfin je veux dire, ce n’est pas mon genre de… Je pense que je suis un peu fatigué et l’alcool empire cet état parfois, je… Oh non ! »

Je regarde par la fenêtre et je réalise qu’en plus d’être pratiquement seuls dans le bus, celui-ci est arrêté. Nous sommes arrivés à la fin de la ligne et je ne pense pas quelle habite aussi long. Bah non, elle m’a dit quelle n’habitait pas très loin… Ou alors j’ai imaginé tout ça ? Non, j’en suis sur. Elle n’a pas osé me réveiller et du coup, nous nous retrouvons au bout de la ligne. Je me lève et je vais voir le chauffeur pour lui demander à quelle heure il compte repartir, dans l’autre sens. Il me regarde d’une façon qui me ferait lui foutre mon poing en pleine gueule si je n’avais pas une certaine réputation à respecter et une proie à gagner. Il me dit qu’il a terminé son quart et que cette ligne n’est plus en fonction depuis quelques minutes. Fuuuuuuck. Je lui demande s’il y a d’autres bus, mais il me dit que la plupart terminent leur ronde bientôt aussi. Je n’avais pas réalisé qu’il était aussi tard et je me demande combien de temps j’ai dormis… Trop longtemps, dans le fond. Je pense que nous n’aurons pas le choix de retourner au métro, vers la station ou nous sommes sortis plus tôt, et marcher tout le chemin. Quel con, en plus que je voulais faire ça pour faire le gentil qui se préoccupe de la nana qui a un talon cassé. Je veux dire, je ne peux pas la faire marcher comme ça, non plus ! Je grogne lorsque le chauffeur me presse et me dit que nous devons sortir. La tête basse, je retourne à nos sièges et je fais signe à Eun Soo de se lever.

« Je suis désolé… Je suis vraiment empoté et j’ai tout gâché… Il n’y a pas de prochain bus, je… Je pense que je vais appeler un taxi finalement, laisse-moi le faire s’il te plait puisque j’ai déjà saboté le retour. Je ne veux pas que tu doives marcher pour retourner chez toi alors que tu as mal. Si tu veux je peux descendre avant pour ne pas voir ta maison, parce que je veux dire… Ce n’est pas une technique pour… Tu comprends ? Aissh. » Je passe une main dans mes cheveux et regard ailleurs, l’air embarrassé. Je devrais vraiment essayer de me faire une carrière d’acteur, je suis certain que je serais excellent. « Désolé, je parle encore trop. Je n’ai pas l’habitude de parler vraiment à… Bref… »

Je l’aide à se lever en mettant son poids sur moi pour que sa cheville ne lui fasse pas plus mal. Je dois avoir l’air d’un imbécile à déblatérer comme ça, mais quelque chose me dit que dans le cas d’une fille comme elle, ça risque plutôt de me donner des points positifs. Nous sortons du bus, et il fait pas mal plus frais. Heureusement, j’ai mon manteau, et elle aussi. Inutile de pousser le bouchon et de se la jouer drama et lui faisant le coup de ohhh je te donne mon manteau pour que tu n’aies pas froid ! Nah, désolé mais nah. Une fois dehors, je l’aide à s’asseoir sur un banc et je sors mon portable pour appeler un taxi qui, selon ce qu’on me dit, pourrais prendre un peu de temps à arriver. Évidemment, c’est toujours comme ça les soirs ou tout le monde décide d’aller se saouler la gueule. Alors que j’ouvre la bouche pour dire quelque chose, mon portable se met à vibrer dans ma main. Je fronce les sourcils lorsque je vois qu’il s’agit d’un numéro inconnu, ce qui me pousse à m’excuser un instant et à répondre.

« Yeoboseyo ? Ah ! Pourquoi ton numéro est bloqué ? Pour que je réponde ? Bonne technique… Euh oui je suis un peu occupé et euhm… je me suis mis les pieds dans les plats, un peu. Ouais euh je suis coincé à l’autre bout de la ville, en fait. Non, pas tout seul. » Mon agent se met à me crier dans les oreilles et je roule les yeux et décollant le téléphone de mon oreille. J’ai l’habitude, avec lui. Je n’écoute pas ce qu’il dit mais je sais qu’il est encore en train de me passer un savon parce que je suis sortis boire et parce que j’ai un horaire chargé le lendemain. Et alors ? Je fais toujours ça et je suis toujours okay de toute façon. « Okay, okay. Oui, j’allais rentrer… J’attends le taxi. Hein ? Non, pas la peine ! Yah ! Non ! » Trop tard, il a raccroché. Cet espèce de vieux crétin vient d’embarquer dans sa bagnole pour venir me chercher parce qu’il veut s’assurer que je ne vais pas décider de planter mon horaire demain. Et il semblerait que la rumeur se soit déjà répandue que j’étais avec une fille quelconque hyper tard le soir dans le coin des clubs. Génial. Je vais m’en sortir, comme d’habitude, mais ça fais quand même chier. C’est le temps de reprendre l’attitude de petit vierge. Je retourne près d’Eun Soo et m’incline bien bas.

« Je te demande pardon, mais nous allons avoir un chauffeur finalement… Mon agent n’est pas content parce que j’ai étiré mon couvre-feu et il préfère venir me chercher lui-même pour éviter les problèmes. Mais ne t’en fais pas, il a une carte officielle de ma compagnie, ce n’est pas un scam, je te le jure ! Je euh… je ne suis pas comme ça et je méprise ceux qui font ça…» Je me tords les mains en regardant par terre, comme si j'étais vraiment mal à l'aise. Mais je suis certain quelle trouve ça mignon, au fond. Et ensuite, je vais la surprendre en prenant le contrôle de la situation, lorsque je vais pouvoir me le permettre. Ohhh oui.

Je ne sais pas qui est le plus confus entre lui et moi. C'est mignon le petit rouge qu'il a aux joues tandis qu'il essaie de s'excuser maladroitement. Ça me rend un peu plus à l'aise un garçon comme ça, comparativement à un garçon plus... Disons plus habile et sûr de lui. Moi je suis tout sauf confiant en moi-même, alors je ne me sens pas dépassé pas un niveau que je ne pourrai jamais atteindre, même dans mes vêtements féminins. Après tout, il reste toujours la peur que le secret ne soit découvert. Il me trouverait sûrement répugnant comme tous les autres. Je le regarde se lever et aller parler au chauffeur, alors qu'on dirait qu'il vient de faire une constatation subite et consternante. Je n'arrive pas à entendre les paroles qu'ils échangent et Jung Ho revient vite vers moi et me fais signe de me lever. Je m'appuie sur le banc pour me soulever sans trop mettre de poids sur ma cheville malmenée pour ne pas me faire plus mal que je n'ai déjà mal. C'est déjà trop. Oh tu savais déjà que c'était le dernier trajet de la ligne alors ça ne te dérange pas et tu hausses simplement les épaules : ce sont des choses qui arrivent parfois et cela ne t'ennuie pas plus que ça. Normalement tu essaies d'éviter à ta mère de sortir aussi tard le soir pour venir te chercher, mais quand il n'y a pas d'autres moyens, tu sais que tu peux compter sur elle. Sinon, Young Su n'habite pas si loin si tu prends le métro et tu peux toujours allez te réfugier chez lui. Un peu plus et tu aurais le double des clés de sa maison tellement tu y es souvent. Ses parents forment ta deuxième famille. Tu ne vas pas prendre ce taxi, ça coûte trop cher et tu ne vas pas le laisser payer pour toi. C'est trop embarrassant.

J'accepte néanmoins sont aide pour me tenir debout et sortir de l'autobus. Je pose mes fesses sur le banc en silence, je vais lui fausser compagnie au moment de prendre le taxi. Je sais qu'il y a dans mon sac à main un pantalon et des baskets qui détruiront mon image féminine mais me permettront de rentrer tranquillement chez moi. Ce n'est pas la peine de prendre le taxi, vraiment. Surtout je ne veux pas qu'il sache où j'habite. Ma demeure est un secret bien gardé quand je suis une fille. Le moins il en sait le mieux c'est. Je ne veux pas qu'on retrouve des nouvelles sur le net du genre : Breaking news, le demi-frère de Mike, le leader d'ISee est un travesti. Parce que je ne suis pas un travesti. Ce n'est pas ça... Je une tomboy inversée? Je ne sais pas comment exprimer ce sentiment. J'aimerais que ma différence soit moins marquée.

Il reçoit un coup de téléphone et s'éloigne un peu pour répondre. Je devrais peut-être en profiter pour m'éclipser comme un rêve à la fin de la nuit, mais je n'ose pas trop. Je devrais au moins dire au revoir et m'excuser des soucis que je lui ai causés. Il revient assez rapidement vers moi et s'incline assez bas. Je le regarde assez surpris. Ce qui est certain, c'est que je ne vais pas monter dans la voiture de son manager. Je ne veux pas rentrer chez toi comme ça, c'est un plan pour inquiéter ma mère. Non, il faut maintenant que je me sauve. Ça commence à devenir trop dangereux. Je préfère éviter de marcher sur des œufs. Je me lève doucement et essaie de rester solide sur mes pieds.

« Je vais rentrer de mon côté, d'accord? J'ai un bon ami qui habite tout près d'ici et je suis sûr de pouvoir m'inviter chez lui. J'y ai déjà ma brosse à dents personnelles. Merci beaucoup de ton aide jusqu'à maintenant, mais j'ai déjà assez abusé et je ne voudrais pas en abuser. »

J'incline la tête poliment pour prendre mon congé et je m'éloigne en boitillant : je ne peux pas enfiler tout de suite mes vêtements masculins et retirer ma perruque. Ce n'est pas évident de marcher comme ça, mais je le fais tant bien que mal. Au bout de quelques pas, je m'arrête : je suis peut-être parti un peu trop cavalièrement. Je me retourne – c'est fou j'ai tant marché mais à peine trois mètres ne nous séparent. Un sourire se trace sur mes lèvres.

« Merci pour ce soir je me suis bien amusée malgré tout. Je pense que tu es un type bien. Peut-être se recroisera-t-on un jour. À la prochaine fois! »

Je remarque du coin de l'oeil une voiture noire approcher : il faut que je me grouille sinon il va sûrement insister pour me ramener et je n'aspire plus qu'à une chose : changer de chaussures.